*Reposant sur le respect de la pensée, de son hôte et de son travail, qui constituent la seule constante égalitaire pour tous les esprits. Une lutte contre l'autolyse et ses conséquences. Prouvé que seul l’esprit peut créer des œuvres capables de coaliser et soigner ses propres méfaits.

Le respect est ici fondamental : il s’agit d’honorer la pensée, non pas comme une simple production mentale, mais comme une entité vivante, parfois fragile, parfois puissante. L'hôte — celui ou celle qui pense — doit se reconnaître dans sa valeur, malgré ses doutes. Le travail — cette mise en forme concrète de la pensée — devient alors le prolongement de cette estime. L’autolyse, ou la dévalorisation de soi par soi-même, est un mal invisible. L’acte de créer, dans ce contexte, devient une forme d’opposition, une reconstruction volontaire. L’art devient thérapeutique non pas parce qu’il évacue la souffrance, mais parce qu’il la rend partageable, traduisible. Rassembler autour d’un même silence guérisseur.

**La recherche débute à l'enfance, celle-ci doit engendrer contemplation. Il faut laisser l'enfant prendre son temps. Admirer ce qui l'entoure et le laisser développer une familiarité. Il en développera des questions en abondance, parfois répétitives, qui devront trouver réponse dans ses racines familiales et/ou dans son environnement local. 

La contemplation est un acte flâneur dans un monde pressé. L’enfant, livré à sa lenteur naturelle, entre en relation intime avec les choses. Les fixations enfantines, répéter une même question vingt fois : tout cela est essentiel. Cette lente gestation produit des racines intellectuelles profondes. Le rôle des parents, des aînés, des éducateurs, n’est pas de corriger cette énergie, mais de la canaliser et l’accompagner. Il ne s’agit pas seulement de nourrir ou d’abriter, mais d’offrir une architecture symbolique — une mythologie, une mémoire locale, des gestes simples, des histoires vécues — sur laquelle l’enfant pourra accrocher ses premières compréhensions. Un enfant privé de cela grandit, certes, mais dans le sable. Et un esprit sans fondation ne peut soutenir de création durable.

"Tout le monde n’est que la somme de son passé et de celui de ses ascendants." Il ne reste qu'à chercher ce qu'il nous faut combler dans des cultures différentes et/ou complémentaires. Un alliage de croyances, recherchant à se rapprocher au maximum d'une nouvelle idéologie plus en adéquation avec son temps sans dénaturer les croyances plus anciennes.

Nous ne sommes jamais vierges. Chaque pensée que nous émettons est teintée d’un héritage. Mais l’acte de création implique une responsabilité : celle de revisiter cet hérédité, d’y chercher les lacunes et les angles morts. Aller puiser dans d’autres cultures (non pour les copier, mais pour y découvrir des clés, des miroirs, des échos) est une manière de combler ces vides. Le but n’est pas la fusion sans discernement, mais l’alliage, le croisement intelligent. Une nouvelle idéologie, si elle émerge, ne doit pas écraser l’ancienne, mais la prolonger, la relier à son époque, l’actualiser. Ainsi, on crée non pas une rupture, mais une évolution.

Chaque ascendant doit être capable de répondre aux nécessités primaires de l'enfant.

***Le luxe de la recherche doit être accessible seulement dans un stade aguerri. Ce stade se manifeste à l'envie de découvrir, à la douleur de la méconnaissance ou au choc prématuré pour certaines personnes.

C'est ce point de non-retour dont traite le -XXX. Ce remède toxique portant à découvrir de nouveaux horizons, dans l'espoir de finir par le digérer. Et grâce à ça, atteindre un statut de concorde.

Il y a une différence entre chercher par curiosité et chercher par nécessité. L’aguerrissement survient lorsque l’individu n’a plus le choix : il doit comprendre, ou sombrer. Cette quête s’apparente alors à une fièvre. Certains y entrent par choc (un deuil, une injustice, un effondrement personnel), d’autres par passion pure ou besoin de sens. Le XXX intervient comme une réponse à ce moment : il n’est ni doux ni rassurant. Il bouscule, confronte, déstructure. Il peut s’apparenter à un remède brûlant. Et pourtant, c’est dans cette digestion lente que se forge la concorde : non pas une paix naïve, mais une paix lucide, bâtie sur des fractures consolidées. Ce qui est guéri n’a pas vocation à être réouvert.

C'est ce principe, que j'appelle XXX. Un état d'esprit qui ratisse toutes les étapes de la création, une icône qui a pour définition la recherche, un outil qui a pour utilité de créer. Puisqu'il faut apprendre ; j'ai besoin du XXX. Puisqu'il faut créer ; j'ai besoin du XXX. Puisqu'il faut vivre ; j'ai besoin du XXX. Le XXX n’est pas une méthode, mais une respiration. Il ne s’impose pas, il s’intègre. Il accompagne les gestes les plus discrets comme les plus étonnants.

l'ordre (prélude à l’apprentissage)

Pour développer cette conscience créative, différentes étapes se présentent. Et avant d'être capable (et surtout avoir l'arrogance) d'apprendre, il faut s'organiser.
"Qui peut soutenir l'étude d'un cas dans un système perturbé ?" S'organiser permettra l'optimisation de l'apprentissage.
Aucune réponse n'est universelle quant à l'état physique et psychique de chacun. Il faudra donc des séances d'introspection ainsi que de l'ardeur pour cocher toutes les cases. Pour chaque étape, la bataille est donc propre à chacun.

Avant même de lancer une idée, il faut faire de la place. Le désordre intérieur ou extérieur empêche l'émergence du nouveau. Il ne s'agit pas ici d'une discipline rigide ou militaire, mais d’un respect du terrain. L’organisation devient une forme de tendresse envers soi : créer les conditions optimales pour accueillir l’inattendu. C’est un travail silencieux, qui demande de se confronter à ses résistances. Chaque être humain doit trouver son propre équilibre, entre structure et fluidité. L’introspection est donc la clé : reconnaître ce qui bloque, ce qui stagne, ce qui perturbe, et mettre en place des stratégies. Ce processus n’a rien d’universel. Il est profondément intime, et doit être respecté comme tel.

Comment organiser son esprit si celui-ci se développe dans un environnement chaotique ? Il faut donc commencer par l'espace. Ce que l'on perçoit, ce qui est palpable et/ou physique. À commencer par son environnement. Nous ne parlons pas ici de seulement ranger sa demeure, ses fichiers, mais bien un tri de ce qui vous éloigne de l'essentiel. Tout doit y passer. Y compris les lieux, les zones considérées "sans importance" bien que ce ne soit pas le cas. Mais aussi les personnes si cela s'y prête. Chaque rouage a son intérêt. Il est nécessaire de rappeler qu'organiser ne veut pas nécessairement dire supprimer. En effet, si une relation (par exemple) n'est pas en ordre, rien ne dit qu'il faut la supprimer, il faut efficacement et simplement l'organiser.

L’environnement est le miroir de l’esprit. Un lieu encombré, saturé, empêche l’intuition de circuler librement. Ce "grand tri" évoqué ici n’est pas seulement matériel. Il s’agit d’une purification au sens noble : retrouver ce qui fait sens, et se délester du reste. Réinvestir les espaces négligés. Cela peut vouloir dire retourner, réparer, ou simplement réorganiser avec attention. Quant aux relations humaines, leur organisation demande finesse et bienveillance : on n’efface pas un être humain, mais on peut choisir sa place dans notre structure. Parfois en première ligne, parfois à distance, mais toujours avec clarté.

Puis l'ordre se manifeste par le temps. Je ne ferais pas l'affront de souligner que se laisser dissiper sera mauvais pour l'apprentissage. Mais il est quand même nécessaire de stimuler un déroulement clair. Laissant à la fois place à la coordination mais surtout à la liberté (car l'ordre est synonyme de satisfaction et non pas de contrainte). Savoir organiser son temps est primordial, mais il l'est plus encore d’apprendre à ne rien faire. Le temps est notre plus grande ressource, et pourtant la plus maltraitée. Être actif ne signifie pas être productif. L’ordre temporel ne doit pas être une pression, mais une respiration. Cadrer ses journées, oui, mais sans étouffer les silences. Le vide n’est souvent qu’un terrain en attente d’une idée fertile. Apprendre à ne rien faire, c’est permettre à l’inconscient de travailler. Tous connaissent ce moment de latence primordiale.

"Si l'activité est primordiale, l'ennui lui, est décisif".

Comprendre c’est déstructuré. Pour comprendre il faut détruire, pour sois comme pour l’œuvre

Pour enfin entamer l'organisation de la pensée. Critère le plus important pour soutenir l'apprentissage. Consistant à développer une mentalité propre et claire pour accueillir dans la meilleure des situations, les nouvelles pensées et idées qui pourront nous soigner. Certains voient l'incarnation de ce principe par la religion, un ordre global dicté par des principes laissant transparaître les derniers points évoqués de manière sous-jacente. Certains ont soif de preuves et nécessitent l'apprentissage par psychologie et science. Peu importe le chemin aussi louable soit-il, tous cherchent la raison.

Organiser sa pensée, c’est cultiver. La clarté d’esprit est un objectif exigeant, car elle suppose de renoncer au brouhaha, aux certitudes figées, et parfois même à ses propres automatismes. Certains trouvent ce cadre dans des systèmes spirituels ou religieux, qui offrent une architecture symbolique puissante, des rites, des textes, des métaphores. D'autres, plus sensibles aux preuves concrètes, s’orientent vers les sciences humaines, l’introspection rationnelle, la psychanalyse. Mais tous, à leur manière, tentent de répondre à cette même question : pourquoi suis-je là, et que puis-je transmettre ? Structurer sa pensée, c’est se préparer à accueillir la complexité du monde sans se laisser submerger.

Une fois l'ordre établi le processus d'apprentissage commence. Chaque recherche, chaque entrevue, chaque point d'intérêt pourra donner lieu à des bienfaits. Et ce même si ces derniers paraissent être des inconvénients. C'est là que se façonne l'apprentissage.

L’ordre n’est pas une fin, mais un seuil. Il ouvre la porte à l’apprentissage réel, celui qui transforme. Il ne s’agit plus seulement d’accumuler des savoirs, mais d’en faire une matière vivante. Chaque rencontre devient alors une occasion d’élargir son prisme. Même les événements apparemment négatifs deviennent des vecteurs de compréhension. Ce renversement est le cœur de l’apprentissage profond : voir le problème non comme un obstacle, mais comme un outil. Apprendre, c’est accueillir l’inattendu, et savoir l’utiliser.

l'ossature.

La création n'est (comme rien) innée pour personne. Celle-ci n'est que travail ardu et un recul sur ce dernier. Si apprendre de ses erreurs est une devise universelle, en art, cela doit s'élever au niveau de mantra. L'ego sera prohibé, car on ne devrait trouver aucun sens à la comparaison. Le jugement n'est également pas toléré. À la place, il faudra faire place à la réévaluation cognitive, consistant à se re-poser les bonnes questions. Le but est de réétudier ses propres pensées pour les déconstruire ou les stimuler sans porter offense au bagage initial (qui, on le rappelle, n'est que la somme de son passé et de celui de ses ascendants).
Cette réévaluation permettra d'emprunter un chemin plus apte à la création. Pour que chaque remise en question, le contenu n'en sera que plus consistant et fort (le cycle ; j'y reviendrai plus tard).**

Créer, c’est se confronter à soi-même. Le talent n’est pas une bénédiction magique, mais une conséquence logique du travail répété, du doute accepté, du regard ajusté. L’artiste qui refuse de remettre son œuvre en question ne progresse pas. L’ego, ce filtre fragile entre le monde et nous, doit être mis à distance. Non pas effacé, mais recontextualisé : ce n’est pas lui qui crée, mais la part de nous capable d’abandonner le contrôle. La réévaluation cognitive est l’acte fondateur de toute maturation artistique : se demander pourquoi on pense ce qu’on pense. Revenir à ses propres bases, les examiner sans brutalité, les transformer si besoin. Ce processus n’efface pas le passé, il le rend fertile. C’est ainsi qu’on construit une ossature : pas un carcan, mais une structure souple, capable de soutenir l’édifice à venir.

Une fois le recul pris, les questions posées et les réponses trouvées, vous êtes censé avoir élaboré des thématiques. Des points d’ancrage qui seront les piliers de votre développement, les sujets principaux qui vous tiendront à cœur. En effet, une fois organisé et apte à se questionner soi-même, votre thématique principale est censée être d'une clarté sans équivoque.

La thématique, c’est le battement de cœur de toute création. Ce n’est pas nécessairement un sujet intellectuel ou un slogan, mais plutôt une obsession douce, un fil rouge. Elle se manifeste par récurrence : une image qui revient sans cesse, un mot, une sensation, un combat. Ce n’est qu’après avoir trié, ordonné, questionné que cette thématique émerge, limpide. Elle devient votre étoile polaire, votre signature intérieure. Elle peut changer avec le temps, mais elle sert toujours de point d’ancrage. Sans elle, on disperse son énergie. Avec elle, on concentre sa puissance.

la consommation (se nourrir pour mieux produire)

La consommation est sans aucun doute le stade le plus important de toute la démarche. C’est ici et maintenant que toute votre situation et statut de créateur se décidera. La discipline sera donc primordiale.

Tout créateur est d’abord un lecteur, un spectateur, un auditeur. Avant de produire, il faut ingérer. Mais pas n’importe comment : la consommation n’est pas une boulimie. C’est une sélection, un soin, un dialogue. Regarder un film, lire un essai, écouter un album : tout cela devient matière à décoder. Il ne s’agit pas d’imiter, mais de comprendre les ressorts, les choix, les partis pris. La discipline n’est donc pas seulement dans la production, mais aussi dans l’alimentation de l’esprit. Se nourrir, c’est aussi apprendre à rejeter ce qui n’élève pas. À différencier l’impact fort du simple divertissement passager.

Tout initiateur de projet doit se nourrir de créations déjà en vigueur dans son domaine (et plus !). Autrement dit, si vous aspirez à créer, vous devez avant tout consommer. Se lancer dans la conception sans avoir la totalité des codes du médium est destiné à l’échec (nous ne parlons pas de popularité ou de finance, mais bien évidemment de cohérence). Il va donc falloir se nourrir par la recherche, le mieux étant de trier.

Chaque discipline a son langage, ses règles, ses ruptures. Vouloir écrire un roman sans avoir lu de romans, peindre sans avoir contemplé d’autres peintres, revient à parler sans vocabulaire. Mais cette consommation ne doit pas se limiter à son domaine propre : un musicien peut apprendre d’un chorégraphe, un photographe d’un philosophe. Plus l’alimentation est variée, plus la création sera riche. L’enjeu n’est pas de copier, mais de capter les intentions, les failles, les réussites. Trier permet d’éviter la saturation. L’œil devient alors plus aiguisé, capable de discerner ce qui est vital de ce qui est superflu.

En effet, trier, en adéquation avec votre thématique principale. C’est cette thématique trouvée et définie grâce à l’ossature qui vous permettra d’effectuer des recherches traitant de ce qui a déjà été créé. Il existe forcément un panel large d’œuvres ayant pour thème ce que vous avez choisi. Ces dernières ne sont pas forcément là pour s’inspirer et/ou recopier le médium, mais bien pour voir comment le reste des créateurs perçoit cette idée. Comment ils ont pu affirmer cet aperçu à travers une œuvre complète (parfois bien, ou mal d’autre fois).

Explorer ce qui a été fait, c’est se situer. Ce n’est pas se comparer, mais comprendre où l’on s’inscrit. Une même thématique peut être abordée de mille manières. L’étude des autres œuvres vous permet d’identifier vos différences, vos intuitions uniques. En découvrant comment d’autres ont traité votre sujet, vous gagnez en recul, en précision, et parfois même en contradiction. Il ne s’agit pas de s’aligner mais de dialoguer. Et dans ce dialogue invisible entre les œuvres passées et votre intention présente, une vision se renforce, s’affine, s’émancipe.

Pour cela il faut savoir accueillir les infos transmises par l’œuvre.

Une œuvre parle, mais encore faut-il savoir l’écouter. Il faut y revenir, la laisser résonner, prendre le temps de ressentir ce qu’elle éveille. L’information transmise n’est pas toujours explicite. Elle peut être une couleur, une tension, un silence. Accueillir signifie ne pas juger trop vite, ne pas chercher à tout comprendre immédiatement. L’œuvre, comme un rêve, demande parfois plusieurs lectures pour livrer son sens profond.

Là est tout l’enjeu de votre consommation. Chaque thème a pour nombre de prismes de vision le nombre de personnes voulant aborder ce sujet. Vous n’inventerez rien, mais vous pourrez montrer votre réalité. Peut-être proche d’une autre ou similaire à d’autres, mais après tout personne n’a vécu votre vie autre que vous-même. Votre vision n’est pas nécessaire pour votre public, mais peut être décisive pour ceux qui veulent l’embrasser.

Il ne s’agit pas d’être original à tout prix, mais d’être sincère jusqu’au bout. Ce que vous apportez, c’est votre perspective. Même si votre histoire a été racontée mille fois, personne ne l’a racontée avec votre voix. Et cette voix peut résonner chez ceux qui, justement, attendaient cette version-là. Il ne s’agit pas de convaincre le monde entier, mais d’atteindre ceux qui entendent le même appel. Votre singularité, assumée, devient votre force.

**le cycle.

Un cycle commence par une simplicité, un élément reconnu comme acquis où les recherches sont réduites à l'essentiel. Progressivement, cette simplicité évolue vers une recherche de complexité (souvent en conséquence d'un choc, physique ou psychique). Dans une tentative de combler à la fois le corps et l'esprit, nous multiplierons les objectifs, les expériences et les désirs. Cependant, après cette phase d'accumulation et de sophistication, on assiste souvent à un retour vers le minimalisme, une volonté de dépouillement après un surdosage. Ce retour à la simplicité n'est pourtant pas identique à l'état initial ; il s'agit cette fois d'une simplicité choisie et plus consciente, focalisée autour d'un objectif unique et précis, fruit d'une évolution et d'une réflexion plus profonde.
Votre cycle reste le même mais votre rythme évolue.**

Ce cycle est le cœur battant de tout cheminement créatif. Il épouse le mouvement naturel de la vie : de l’innocence à la saturation, puis à la sagesse. La première simplicité est naïve, presque instinctive. La seconde, après la complexité, est une forme de maîtrise : on sait ce qui est essentiel, et on a appris à renoncer au superflu. Ce rythme est personnel. Il ne doit pas être précipité. Certains restent longtemps dans la complexité, d’autres retrouvent vite l’épure. Mais tous, à un moment donné, reviennent à l’essence. Là où le geste est juste, l’acte est sincère, l’œuvre est pleine.